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Archives 2005 : Quelques "Paroles de jeunes" à la fête de l'Huma 2005
Posté par g-prax le 29/11/2006 20:28:50 (2201 lectures)

Quelques "Paroles de jeunes" à la fête de l'Huma 2005



« Grands mots et phrases creuses »
Jessica et Sophie, vingt et un ans, étudiantes en psychomotricité, Paris.

« Heureuses ! Nous sommes heu-reu-ses ! On a vingt et un ans, on suit une formation que nous avons choisie. Nous ne sommes plus des enfants, et pas encore des adultes. On est encore libres. C’est une pleine période d’épanouissement ! Dans notre futur métier [psychomotricienne - NDLR], nous construisons une vraie relation à la personne, sans hypocrisie : une relation simple, à l’exact opposé de la politique qui se résume par des grands mots et des phrases creuses. Et quand on est confronté au polyhandicap, on se dit qu’il faut se réjouir du moindre petit progrès. On peut être heureux avec des choses simples, s’amuser des petits riens. Là, par exemple, on mange une crêpe au chocolat, eh bien, c’est super-bon ! »



« L’usine, c’est marche ou crève ! »
Joël, vingt-cinq ans, ouvrier dans le bâtiment, Charleville-Mézières (Ardennes).

« La société divise les gens, elle est séparatrice. Tout le monde est dans son coin à faire la gueule. Dans le bâtiment, il y a de l’entraide, une vraie convivialité. Avant, je travaillais à la chaîne, à l’usine. Aujourd’hui, les ouvriers ne se mobilisent plus : quand un vulgaire intérimaire se fait jeter, personne ne se retourne. Moi, par exemple, je bossais dans une industrie qui vérifiait les vitres latérales de voiture. Le patron m’appelait de temps en temps. Un soir, vers 22 h 30, je reçois un coup de fil : il me demande de travailler le soir même. J’y vais. Deux ou trois jours se passent : il me garde. J’entends parler d’une possibilité de CDD. J’espère. Le patron me convoque dans son bureau en m’expliquant : "Il y a quelque chose de grave." Une mauvaise pièce était arrivée chez un gros client. "On ne veut plus de toi", m’a dit simplement le boss. Voilà le remerciement ! L’usine, c’est marche ou crève ! Je travaille pour survivre. Ça fout la rage de voir la société de consommation et de te dire que toi, tu peux pas consommer. J’essaie de faire des économies. Mais ça n’avance pas ; mes poches ne se remplissent pas. Je voudrais faire de la photo. Acheter un camion, tracer la route, et faire des reportages... Je ferai tout pour y arriver. »



« Et l’égalité des chances ? »
Pamela, vingt-trois ans, étudiante en école de commerce, Nantes (Loire-Atlantique).

« L’an dernier, j’étais là pour la musique. Cette fois, je voulais vraiment être dans la Fête, en être une actrice, ne pas me sentir inutile dans les allées, et rencontrer beaucoup de monde. Alors, quand j’ai appris que le Secours populaire avait besoin de bras pour sa tombola, je me suis inscrite. C’est par hasard que j’ai rencontré cette association à Nantes. L’occasion faisant le larron, je suis venue avec eux. L’ambiance est excellente entre les bénévoles. Je sais que, ponctuellement, je participerai à d’autres actions du SPF. Je m’adresse en priorité aux jeunes, et ils écoutent. Nombreux sont ceux qui donnent quelque chose. Ce n’est pas mon seul engagement dans la vie : j’entretiens une correspondance avec des détenus, via l’association le Courrier de Bovet. Actuellement, je m’endette pour suivre mes études, mes parents ne peuvent pas m’aider. L’égalité des chances, dans cette société, est une expression creuse. Il faudrait remettre en question ce système élitiste. Je ne suis pas particulièrement optimiste pour l’avenir, mais je ne m’endors pas non plus en pleurant tous les soirs parce que le monde va mal. Je vis très bien ce que je fais. J’essaie de faire ce que je peux à mon niveau, même si je me sens super-mal politiquement, et géopolitiquement. Ce qui m’irrite le plus aujourd’hui, c’est que ce qui est valorisé dans notre société l’est toujours dans les mêmes catégories de population. »



« La musique, c’est un bruit qui pense »
Romain, vingt et un ans, chômeur, Mitry-Mory (Seine-et-Marne).

« Cette année, je ne voulais pas manquer Offsprings, sur la grande scène. Leur style de gratte, c’est mythique. Ils donnent franchement la pêche. J’en ai besoin, ça me défoule. En fait, j’étais chef d’équipe de vente dans une société de sous-traitance. J’avais cinq personnes sous ma responsabilité. Il fallait avoir du bagou, parce qu’on n’avait pas le droit de rater des ventes : on était payé à la commission, même pas de paie fixe ! Je n’avais qu’un contrat de "vendeur indépendant". En gros, tu es ton propre patron, mais, franchement, c’est de la merde. Je l’ai fait lire à une amie qui est inspectrice du travail. Elle m’a dit qu’il était bidon, je me suis barré. C’était dur. J’étais constamment en contradiction totale avec mes convictions. Même moi, je mettais la pression à mes gars. Je rentrais le soir, j’étais stressé. Maintenant, je bosse en intérim, dans la manutention. Avec mon physique de sandwich SNCF, je galère, mais bon, je préfère. Tout ça remonte à loin. Au départ, je me suis retrouvé à faire un BEP vente. C’était pas mon truc, mais j’avais la tchatche. Et puis c’était ça ou la rue. Aujourd’hui, j’y arrive parce que je suis entouré. Parce que, pour le taf, je suis perdu. Et encore, moi je suis fort d’esprit. Je comprends ceux qui disent : "Je vous emmerde tous !" Maintenant, je me cache derrière la musique. La musique, pour moi, c’est un bruit qui pense. Quand je suis stressé, je me défoule. Autant dire que je joue du Bob Marley ! »



« Si tout le monde faisait cet effort »
Céline, vingt-deux ans, aide éducatrice, Saint-Dizier (Haute-Marne).

« C’est la deuxième fois que je viens à la Fête de l’Huma. On a le sentiment d’être tous frères et soeurs. Ce qui est très rare ailleurs. On est aussi tous dans la même galère. Je suis très sensible à la liberté de la presse. La censure, le kidnapping ou le meurtre dont sont victimes des journalistes montrent à quel point ils sont importants pour la démocratie et qu’ils peuvent déranger. J’aimerais que change la façon de voir les rapports entre les pays pauvres et les pays riches. Sur le plan économique, un commerce véritablement équitable peut aider au codéveloppement. Je ne peux pas dire que je suis malheureuse parce que j’ai un toit et j’arrive à vivre. Je ne suis impliquée dans aucune organisation, mais je serai prête à m’engager contre le racisme. Jde le faire à ma manière, dans ma façon de vivre. J’ai manifesté entre les deux tours de la dernière présidentielle. Je regrette qu’il y ait beaucoup d’abstention. Les gens ne prennent pas assez conscience que le droit de faisait cet effort, cela changerait la donne. »



« Un parlement pour nous »
Milena, quatorze ans, collégienne, Montmagny (Val-d’Oise).

« "Il faut que tu respires/Et ça c’est rien de le dire..." J’adore Mickey 3D ! Ils écrivent des chansons engagées, sur des sujets tabous. En les écoutant, je me dis que je ne suis pas toute seule, que des gens parlent comme moi. Par exemple sur l’environnement. On n’écoute pas assez les jeunes. Regardez, avec le mouvement lycéen : ils ont essayé, ils se sont battus. Personne ne pourra leur dire plus tard : "De quoi vous plaignez-vous ? Vous n’avez rien fait !" Mais on ne leur a pas laissé la parole. Il faut que les vieux arrêtent de croire qu’on s’intéresse seulement à nos histoires de coeur et à nos engueulades avec nos parents ! Moi, j’imagine un parlement pour les jeunes, où nous serions tous rassemblés et où ce que nous dirions serait pris en compte. Jdes cours au collège où les profs nous feraient suivre l’actualité, où nous en débattrions, où les adultes nous écouteraient. J’imagine, enfin, des journaux accessibles à tous, faciles à lire. La déclaration des droits de l’homme dit que nous sommes tous égaux. Mais si la moitié de la population n’a pas accès à l’information, on ne peut pas être égaux. »



« Jamais voté de ma vie »
Manu, vingt-huit ans, peintre carrossier, Orléans (Loiret).

« Politiquement, je ne suis pas impliqué. J’aimerais qu’on m’explique les positions politiques des uns et des autres. Je m’en veux beaucoup, j’ai vingt-huit ans et je n’ai jamais voté de ma vie. Je sais que c’est grave, mais j’aime savoir pour qui et pour quoi je m’engage. Je le dis à personne. J’ai toujours pensé que ne pas voter c’était une manière de me sécuriser. Mais, à chaque fois aussi, c’est une facilité de ne rien faire. Là, je me sens influencé par un copain, il est représentant du PS à Sarans. On a beaucoup discuté, il se bat pour quelque chose qui vaut le coup. Il se bat pour la France. Le gros problème pour moi, je ne comprends pas les discours politiques. J’ai pas été longtemps dans les études, mais j’ai lu le Rouge et le Noir, par exemple. Et puis j’aime écrire et je veux pas passer pour un charretier. Bref, si je sors pas de l’ENA, je sors pas de primaires non plus, et je cherche à me cultiver. Mais quand à la télé, quand dans les journaux j’entends ou je lis des discours politiques, j’ai l’impression que ça me passe à côté. C’est masqué avec des mots que je ne comprends pas, comme si on cherchait à noyer le poisson. Je suis en train de créer mon entreprise, et les textes de loi, je vois bien ce qu’ils disent. La vraie politique, c’est être à la portée du peuple, c’est avoir des propos simples à la portée des gens. Je dis ça tous partis confondus. Si on m’explique, je vais écouter, comprendre et accepter. Je sais que je n’interviens pas dans mon non-vote, je fais la politique de l’autruche, je mets la tête dans le sac. Je peux comprendre Balzac et pas Sarkozy. Je ne suis pas représenté et si je veux, je le peux. Je pense en même temps que je peux être vachement influençable, même si je sais que je ne soutiendrai jamais les racistes et les gens de la droite appuyée. J’ai fait des boulots de merde, souffleur de verre, et je comprends qu’en France il puisse y avoir des clochards. Le déclic qui me pousse à me dire qu’il faut que j’agisse ? C’est le constat que la France va mal. »



« Ça me titille »
Mathilde, vingt-quatre ans, étudiante et assistante d’éducation, Paris.

« Depuis deux ans, j’ai l’impression de découvrir plein de choses. Je m’intéresse de plus en plus au sexisme, par exemple. À cause des conditions de travail des femmes. J’ai travaillé dans la restauration rapide. Il y avait beaucoup de femmes, qui élevaient seules leurs enfants. Elles ne pouvaient pas prendre de rendez-vous pour emmener les mômes chez le médecin, ni aller les chercher à la sortie de l’école. Et puis, c’est tout un cheminement : j’arrive à un âge où tu peux commencer à envisager de t’installer avec quelqu’un ; je vois des couples autour de moi qui reproduisent des vieux schémas. Je vois des copines qui font la bouffe et le ménage ! Mais elles ne se posent pas de questions. Moi, ça me titille. Je ne sais pas pourquoi. Peut-être parce que j’ai été élevée avec deux frères. Et je savais faire la pâtisserie, mais personne ne m’a jamais montré comment marchait un moteur... Vous savez, j’ai fait plein de petits boulots pour payer mes études. Il y a une chose que j’ai toujours trouvée avilissante : demander l’autorisation pour aller faire pipi. Bosser dans la bouffe, dix heures par jour, c’est possible. Mais dire madame, est-ce que je peux y aller ?... Gloups ! »



« Envie d’une vie tranquille »
Nicolas, dix-neuf ans, électricien dans le bâtiment, Argenteuil.

« Je fais un métier vraiment intéressant. J’ai beaucoup de relations avec les gens, même si je pense que l’on dénigre souvent les métiers manuels. On parle pas mal de ce qui se passe dans le monde au boulot. On est tous d’accord pour dire que les choses vont de travers. Le système est vachement mal fait, c’est comme la politique. Je m’y intéresse pas trop, il faut dire, mais je sais qu’il y a pas mal d’injustice. Les personnes assez aisées ont du mal à donner pour les gens de milieux inférieurs. Il n’y a pas de solidarité dans notre société. On bouge peut-être pas assez. Nos grands-parents se sont battus, eux, pour qu’on ait des avantages et on est en train de les perdre. La privatisation, la délocalisation passent, beaucoup de gens pensent que c’est mal, et pourtant personne ne se remue. Moi, par exemple, je vois pas comment faire pour agir. En même temps avec mon travail, après une journée, je suis très fatigué et j’ai pas forcément l’énergie pour m’engager. Je sais que les gens ont des idées, mais ils ne les expriment pas assez. Et puis il y a le reste, je prends souvent le métro dans Paris, et ça donne pas envie de rêver. On a tous des projets, mais on se dit qu’on va jamais les réaliser. Moi, j’ai envie d’avoir une vie tranquille, une maison et des enfants. Et je crois pas que je vais y arriver. La vie est chère, les salaires sont petits et tout le monde ne peut pas avoir la belle vie. Moi, ma maison, je suis pas près de l’avoir. Mais l’espoir fait vivre et il faut espérer. Je ne demande pas la lune, et de toute façon on ne me la donnera pas. »



« Des meubles en carton »
Iris, vingt-trois ans, serveuse, Paris.

« J’ai une passion dans la vie, c’est de faire des meubles en carton. Personne ne me prend au sérieux, mes copains me rient au nez. Bref, ça saoule tout le monde... Pourtant, c’est une matière qui a tous les avantages : elle n’est pas chère, elle est solide, elle se recycle très facilement et on peut la travailler et la modeler à souhait. Les gens ne doivent pas trouver le carton assez noble. C’est en regardant une émission de télé que j’ai eu cette idée. Depuis, j’ai fait un stage de 30 heures de travail, j’ai fait mes premiers meubles, dont un pour mettre ma télé. Et chaque fois que les gens le voient, ils sont enthousiasmés après avoir rigolé, parce qu’ils sont rattrapés par la réalité. Comme je vis dans un studio de 25 m2, je n’ai pas la place pour la fabrication. Ça me frustre énormément. Quand je travaille le carton, je me sens tellement libre, mon inspiration est sans limites. Un jour, j’ouvrirai mon magasin pour vendre des pièces uniques à la commande. On peut déjà trouver des meubles à la vente, ils coûtent assez cher. Je vois ça comme un moyen de faire plaisir aux gens, de les étonner, c’est paradoxal, mais je ne voudrais pas que ces meubles se démocratisent trop pour toujours provoquer la surprise et l’étonnement. »




« Je n’ai pas voté pour Bush »
Jessy, vingt ans, étudiante en sociologie et anthropologie à l’université de Rouen, américaine, Philadelphie (États-Unis).

« Un rassemblement comme la Fête de l’Humanité n’existe pas aux États-Unis. Un endroit où se mêlent les arts, les livres et les discussions politiques, c’est vraiment cool. Car j’aime la rencontre entre différents points. C’est d’ailleurs pour cela que je suis venue en France. Pour la langue bien sûr que j’apprends depuis le lycée, mais aussi parce que la politique est différente dans votre pays. La démocratie ne fonctionne pas comme aux États-Unis. Et puis en ce moment, mon gouvernement est idiot. Il a abandonné La Nouvelle-Orléans. C’est une grande tragédie pour mon pays, et j’ai été heureuse de voir la solidarité des autres pays du monde. De toute façon, je n’ai pas voté pour Bush. Je suis encore plus à gauche que les démocrates. Je fais partie d’un groupe à l’université de Philadelphie qui s’appelle Students Activists for Global Equality, groupement des étudiants pour l’égalité en français. Ici, ma rencontre avec les étudiants français a été très intéressante. Beaucoup me demandent ce que je pense de mon pays, ce que je pense de la France, sans jamais faire d’antiaméricanisme. Ils sont curieux. Comme moi avec vous. Et cette fête est vraiment l’occasion de rencontrer des gens chaleureux. Je reste les trois jours avec la famille chez qui je vis à Rouen. Hier soir, nous avons dansé, et j’ai remarqué que je pouvais laisser mon sac par terre, personne n’allait me le voler. Et puis je passe mon temps à parler avec d’autres gens. C’est vraiment cool. »\r\n\r\n\r\n« On s’en rappellera »\r\nCamille, dix-sept ans, lycéenne, Paris.\r\n« L’avenir me fait vraiment peur. Autant en France que dans le monde. Pour l’instant, la victoire du "non" n’a rien changé. Quand on vient ici, ça redonne de l’espoir. Comme le mouvement lycéen dans lequel je me suis impliquée. Au départ, je me suis engagée parce que la loi Fillon n’était pas bonne pour l’éducation. Après, je me suis rendu compte qu’elle mettait en péril l’avenir de la France en créant des pantins dans un monde du fric. Beaucoup d’entre nous auront le droit de vote aux prochaines élections, on s’en rappellera. »




« Les droits des indigènes »
Delphine, vingt-trois ans, étudiante en droit, Montpellier (Hérault).

« C’est la première fois que je viens à la Fête de l’Huma. Je suis là parce que, d’abord, j’ai eu la possibilité de monter sur Paris, mais surtout parce que je suis membre de l’association France-Amérique latine. En plus de ça, j’étudie les droits de l’homme, donc je m’intéresse beaucoup aux alternatives au capitalisme. Ce débat sur l’Europe et l’Amérique latine tombe à pic. Je suis déjà allée à Cuba, au Mexique et, dernièrement, en Équateur, pour un chantier humanitaire. On y a aidé des producteurs de cacao à construire un mur de protection pour leur culture. En gros, France-Amérique latine envoie des fonds et nous servons de main-d’oeuvre pour mettre en pratique les programmes d’aide. En plus de ça, c’est un échange culturel très riche. Pourquoi j’aime l’Amérique latine ? Ça ne s’explique pas trop. Peut-être parce que je m’intéresse aux droits des indigènes... qui ont justement le moins de droits. Quant à vivre en Amérique latine, peut-être qu’un jour... »



« Avec le sport, tu as un rôle à tenir »
Éponine, quinze ans, lycéenne, Amiens (Somme).

« Je pratique le basket. Je préfère les sports collectifs, où il y a la notion d’équipe. ça permet de se défouler et de faire tomber la pression. Celle des cours, celle des autres, de leur regard qui est toujours basé sur le physique. Sur un terrain, au moins, on est tous pareils, il y a moins de jugement, on est comme un anonyme parmi des semblables. À mon âge, c’est vrai, on a moins de pression que les grands, mais, au lycée, il faut toujours être le meilleur et on a peu de moments pour se relâcher. Au basket, on peut se reporter sur les autres, c’est important de se sentir solidaire. La société, c’est toujours chacun pour soi. Même si je sais bien que comparé à d’autres pays, les jeunes d’ici n’ont pas à se plaindre. Sur un playground, on se sent utile, les gens comptent sur toi. Quand tu es dans un sport, tu as un rôle à tenir, alors que parfois dans la vie ce n’est pas le cas, on peut penser qu’on ne sert à rien quand on a des coups de blues. Dans un sport co, on trouve de l’aide et on ne sent pas rejeté. Avant, je faisais de la gym, j’aimais pas. Maintenant, j’appartiens à un groupe, et c’est important. »



« La télé me lobotomise »
Tom, vingt ans, étudiant en chimie, Paris.

« Je suis là pour écouter Tiken Jah Fakoly. Je suis un vrai fan. J’adore sa rythmique et ses paroles. Il parle pour son peuple qui souffre. Je me dis que ses idées politiques ne sont pas loin du communisme. En tout cas, son esprit fraternel y ressemble. Ca n’est pas normal qu’il soit exclu de son pays alors qu’il dit la vérité. En fait, Tiken, c’est plus que de la musique, c’est une pensée, des valeurs. Ça fait plaisir. Parce que, bon, on est forcé de suivre le système. Moi, j’essaie de ne pas être dans la société de consommation, de sortir de la matrice. La musique permet ça. Elle permet de penser, alors que la télé me lobotomise. Donc, ici, en plus de Tiken, je viens chercher du monde de mon âge. T’as vu le monde ? ! »



« Être infirmière dans l’humanitaire »
Solène, dix-sept ans, lycéenne, Saint-Léger-en-Yvelines (Yvelines).

« Je viens à la Fête pour retrouver des gens. C’est un gros bordel et c’est super. Mais, moi, le communisme, c’est pas mon truc. L’idée de partager, c’est bien, mais quand on a vu ce que ça a donné... Même si on est d’opinions politiques différentes, ici on est tous solidaires contre plein de choses. Je n’ai rien contre les États-Unis, mais contre ceux qui ont voté Bush. Il veut s’approprier la planète. Quand il dit qu’il va sauver une population, il fait encore plus de malheureux. On ne fait rien contre le sida, les gens à la rue, le logement social. Les riches gardent leurs sous. C’est hallucinant que certains détiennent tout le pognon et que d’autres crèvent. À chaque fois que je vais à Paris, je prends un paquet de gâteaux sur moi pour en donner aux sans-abri. Je voudrais être infirmière dans l’humanitaire. Je parraine déjà deux enfants : un Cambodgien de huit ans et une Vietnamienne de douze ans. Grâce à mon soutien financier, ils ont pu créer une école dans un village du Vietnam et une bibliothèque dans un village du Cambodge. En parrainant un enfant, j’aide aussi son entourage. »



« J’ai peur de l’avenir »
Sébastien, dix-sept ans, lycéen en BEP géomètre, Argenteuil (Val-d’Oise).

« Il ne faut pas attendre 2007 pour bouger ! Je m’intéresse à la politique, je veux participer à des changements, avoir des idées pour prévoir le futur. Je suis proche de l’extrême gauche. Peut-être que je vais adhérer à la LCR. Quand tu as une activité, comme le sport ou la politique, tu fais pas de conneries. Dans les cités à Argenteuil, les jeunes ont envie de changer le monde. Ils sont en colère. Ça se comprend. La mairie de droite donne encore plus aux riches, et encore moins aux pauvres. Mais les jeunes ne vont pas dans les partis. Et comme ils se taisent, les politiciens en profitent pour commander à leur place. Certains essaient même de casser la jeunesse par la répression policière. Moi, ça va : je pouvais aller en seconde générale, j’ai choisi le BEP géomètre. Je voulais être architecte. Mais je sais que les études longues, c’est pas pour moi. Alors j’ai fait un compromis. Pour l’instant, ça me plaît. Je suis content de grandir. Mais j’ai peur de l’avenir. Peur de la guerre. De tout ce qui peut venir de la politique. Alors, je préfère m’engager. »



« Ne pas rester passif »
Laure, vingt ans, étudiante en première année en école de commerce, Lille (Nord).

« Tous mes copains sont à gauche et me traitent de "grosse capitaliste" parce que je sors de prépa HEC et que je rentre dans une école de commerce. Parfois ça me fait rire et parfois ça m’agace, car je ne veux pas être un grand patron. Mon rêve, c’est de faire de la diplomatie et de travailler à l’ONU. Pour moi, ce serait un bon compromis entre donner sa vie pour les autres et protéger la sienne pour notamment construire une famille. Je sais que l’ONU souffre de dysfonctionnements importants, mais ce n’est pas pour autant qu’il faut se contenter de critique tout en restant passif. Ça vaut le coup d’essayer d’y travailler pour changer les choses. J’ai eu la chance de beaucoup voyager. Et c’est au Cambodge que j’ai pris conscience des inégalités entre les hommes et les pays. Et même si je ne m’identifie pas à un parti politique, je suis plutôt à gauche. Mais je suis curieuse de comprendre tous les systèmes. À HEC, grâce à une matière passionnante d’histoire et géographie économique, j’ai mieux compris ce que signifiait le capitalisme, le communisme. Je suis devenue plus attentive à l’actualité politique. Bien sûr, le commerce régit le monde. Mais il faut en comprendre les mécanismes pour faire avancer les choses, pour inventer un nouveau monde. J’ai croisé des jeunes à HEC pour qui la seule motivation est de faire du fric. Mais il y en a d’autres comme moi qui se demandent quoi faire pour aider le SDF dans leur rue. Ça me travaille beaucoup. »



« Concentrons-nous sur les alternatives »
Clément, vingt ans, étudiant à l’Institut d’étude politique, Toulouse (Haute-Garonne).

« Pour moi, la Fête de l’Humanité, c’est la volonté commune d’être ensemble, de partager des valeurs communes. Ça fait du bien dans une société où les inégalités sont insupportables. Mais je crains toujours la facilité de désigner un responsable. C’est le système dans son ensemble qui est à revoir. Je ne crois pas au discours du "tous pourris". C’est simpliste et dangereux, car cela nous empêche de réfléchir, de nous concentrer sur des alternatives. Je prends le temps de la réflexion avant d’adhérer à un parti. J’étudie les programmes de la LCR, du Parti communiste... Car j’ai besoin d’agir. Mais si les partis ne me correspondent pas, je m’orienterai vers le milieu associatif. Je ne prétends pas vouloir changer le monde, mais plutôt de trouver un moyen à mon échelle de l’améliorer un peu. »



« Ma génération est désenchantée »
Édouard, vingt-six ans, infirmier, Tours (Indre-et-Loire).

« La vie c’est quoi ? Ce sont des rencontres, des personnes avec qui on partage un bout de chemin. Parfois, elles nous accompagnent longtemps. Parfois, elles restent sur le bord de la route et nous laissent poursuivre en solo. Jamais nous ne les revoyons et pourtant nous portons chacune de ces rencontres en nous. Tous ces échanges, ces moments partagés, même sans une grande intimité, nous apprennent énormément. De la personne la plus intime à la plus anonyme. Moi, j’ai eu un grand-père formidable. Il est mort il y a trois ans. Nous avions une relation rare et particulière. À cinquante ans d’écart, nous pouvions nous comprendre comme personne, tout en restant chacun complètement ancré dans notre génération. Mais nous pouvions parler de tout. Parfois, il était à l’ouest, quand on discutait sida, sexe ou manière de penser le monde. Mais le dialogue était toujours là. Il me disait qu’il avait beaucoup moins de liberté que les jeunes d’aujourd’hui. Qu’il se posait moins de question parce que de son temps, les choses étaient plus monolithiques. Je ne suis pas sûr d’être plus libre que lui, je crois que ma génération est désenchantée par la société et que face aux problèmes que nous rencontrons en terme de précarité de l’emploi, de précarité des relations affectives ou sexuelles - on ne pourra jamais parler de liberté sexuelle par exemple - alors on doit s’adapter. C’est aussi ça que mon grand-père m’a appris et donné par son amour et son affection. Aujourd’hui, il survit en moi et il survivra au travers de mes enfants. Je nai pas encore mais j’en suis sûr. C’est une histoire de lien familial, mais surtout de lien humain. »



« L’idée de partage semble impossible »
Romaric, vingt-neuf ans, informaticien, Reims (Marne).

« C’est la première fois que je viens à la Fête. J’ai suivi des amis qui m’avaient parlé très positivement de la Fête. Eh bien, je ne suis vraiment pas déçu. Il règne ici une ambiance extraordinaire. Je ressens une impression de liberté très grande, sans aucune agressivité. Il y a une espèce de fraternité qui permet aux gens de se rencontrer. Par rapport aux autres festivals que je connais, ici, tout est moins encadré, moins droit, moins fliqué. Pour moi, c’est une preuve supplémentaire que plus une société est sécuritaire, plus il y a de force de répression, plus elle recèle d’agressivité. J’aimerais que notre société ressemble à celle de cette Fête, mais je n’ai pas suffisamment confiance dans l’esprit humain. En France, l’idée de partage semble impossible. Le côté propriétaire, l’envie de toujours avoir plus plombe tout. À court terme, je ne crois pas à une amélioration. Je ne suis engagé dans aucun parti, aucun syndicat, aucune association. Ça me semble difficile d’agir. En tout cas, je refuse de mdans un combat unique ; il y a tellement de choses à améliorer, du tiers-monde jusqu’ici. Je ne veux pas m’enfermer dans un carcan. »



« Le travail pour tous »
Bertrand, vingt-quatre ans, étudiant, Paris.

« Une de mes préoccupations, c’est l’emploi. Tout le monde en a besoin pour vivre. Je comprends qu’on puisse réduire certains emplois inhumains et qu’on remplace l’homme par la machine. Il faudrait moins de temps de travail pour les gens dans le but d’une meilleure répartition, d’une part, et pour avoir du temps libre, d’autre part. Il fallait faire moins que les 35 heures. Dans l’idéal, j’aimerais monter des projets théâtraux autour du thème "le travail pour tous". La problématique du travail est la base de tout. Je me souviens pendant mes études d’avoir lu Émile Durkeim. C’est un sociologue qui explique l’engrenage du non-emploi. Il descend loin dans la précarité et va jusqu’au suicide de celui qui n’oeuvre plus dans la société. Le boulot, c’est la base de tous les soucis, dans un sens comme dans l’autre. Je pense à mon père par exemple, il est cadre supérieur. Il a bossé comme un fou toute sa vie et il s’est perdu dans la dépression, finissant par dire : "Je n’ai rien fait de ma vie." La question n’est pas savoir si le travail peut être épanouissant, si c’est le cas, tant mieux. Non, la question c’est surtout ddu travail pour pouvoir gagner du temps libre, qui, lui, doit être épanouissant. »



« Ce qu’a révélé le tsunami »
Yannick, vingt-deux ans, étudiant en sciences politiques, Rennes (Ille-et-Vilaine).

« J’étais au Sri Lanka, l’an dernier, au moment du tsunami. J’y suis resté plusieurs mois après. La situation politique était déjà délicate, et elle est encore aujourd’hui. Les Tigres tamouls et le gouvernement s’opposent toujours. Juste après le tsunami, c’est vrai, il y avait beaucoup de diplomatie, pour ne braquer personne. Les ONG ont pu apporter une première aide d’urgence. Mais pour la reconstruction, c’est au niveau local que ça se passera. Parce que, pour bien faire, je pense qu’il faut être implanté. Et là, il y a un problème dont on a peu parlé. Ça m’a vraiment choqué. Le tsunami a surtout touché l’est, une partie découpée entre les partisans du gouvernement et les Tigres. Là-bas, on souffre encore de ce dont on souffrait déjà avant la catastrophe. Dans cette partie du pays, à cause de la guerre, les infrastructures ne sont pas les mêmes que dans le sud. Cette région a été longtemps en guerre, donc elle entretient peu de relations avec l’Occident. Et comme, au début, l’aide est surtout venue de réseaux tissés par les touristes, qui ne vont pas à l’est... En plus, les divisions ethniques ont encore joué sur l’aide. Pour tout dire, je suis très partagé sur la possibilité de faire réellement la paix. On a beaucoup dit que le tsunami n’avait pas fait de différence, que c’était le moment de se réconcilier. Mais la guerre repose sur des enjeux géopolitiques. Finalement, le tsunami n’aura eu qu’un impact mineur sur le processus de paix. »



Les liens de ces pages sur le journal l'Humanité :

1) http://www.humanite.presse.fr/journal/2005-09-17/2005-09-17-814199

2) http://www.humanite.presse.fr/journal/2005-09-17/2005-09-17-814205

3) http://www.humanite.presse.fr/journal/2005-09-17/2005-09-17-814201

4) http://www.humanite.presse.fr/journal/2005-09-17/2005-09-17-814200

5) http://www.humanite.presse.fr/journal/2005-09-17/2005-09-17-814206

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